Quand on regarde les familles, souvent, on ne voit que l’extérieur. Généralement, tout semble merveilleux. Tout semble bien aller pour tous… mais c’est faux. Chaque famille connaît ses mauvais moments, ses défauts, ses drames et ses malheurs. C’est le même cas pour la mienne. Toutes les journées, mon père s’occupait du business familial, de ce fait, il était rarement à la maison et une nourrice prenait la première place. Ma mère elle? Bien trop occupée à courir les salons de beauté et se vanter à qui voulait le savoir comment sa famille est parfaite. Trois enfants parfaits qui les comblent de joie. Voilà comment ma vie commençait désormais. Bien au chaud dans ce berceau dont les barreaux suintaient presque l’or, emmitouflé dans ces draps valant sans doute une fortune. Oui, la valeur de l’argent était bien ancrée dans ma famille, parfois jusqu’à en oublier leurs enfants qui les aimaient pourtant instinctivement. Mais je crois que dès que j’ai compris que mes géniteurs n’étaient pas souvent à la maison, je me suis détaché de cette valeur et promis que jamais je n’allais vivre comme eux.
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« Seigneur, ta Mère était présente au pied de ta croix, et c'était son unique enfant qu'elle perdait... Souviens-toi de sa souffrance et regarde la nôtre : viens avec ta Mère nous donner du courage. Souviens-toi de son espérance et accueille la nôtre : viens avec ta Mère à la rencontre de Joël. Toute la joie que Joël nous a donnée, découvre-la ! Tous les projets que nous avions formés, rendent-les plus beaux ! Et toutes les peines que nous avons portées, qu'elles soient oubliées ! Car notre amour ne peut vouloir qu'une chose : la vie que Joël aura eue si courte, qu'elle continue en toi, près de ta Mère... Qu'à sa prière et par ta grâce, nous trouvions la force de vivre, pour un jour nous retrouver tous en toi, avec Joël en Dieu, près de ta Mère... Amen ! » Je regardais ma mère pleurer comme une Madeleine pendant son discours, mais aucune larme ne franchissait la barrière de mes yeux. Toutefois, je tenais contre moi ma soeur. Il ne me restait plus qu’elle. J’étais encore sous le choc, je ne réalisais pas encore que mon frère soit décédé. Oui, Joël mon frère venait de rendre son dernier souffle il y a quelques jours…
FLASHBACK« Dax, tu fous quoi là? Ça fait près d’une heure que je t’attends. Encore en train de te regarder dans l’miroir? T’es beau… Maintenant, let’s go! » Mon frère a toujours été pressé. Nous sommes supposés nous rendre à une fête qu’un de nos amis organisait. Mais moi, ayant presque une obsession pour l’image que je donne, j’ai pris plus de temps que prévu dans la salle de bains et mon frère me faisait bien savoir son mécontentement. Quel impatient, celui-là tout de même.
« J’arrive, c’est bon! » Je descendis les larges escaliers au pas de course. Après un baiser sur la joue de notre sœur, nous nous étions mis en route vers la destination prévue, sans se douter une seule seconde ce qui allait se passer.
On marchait sur le côté de la route en riant à gorge déployée parce que Joël avait, une fois de plus, fais une blague qui valait de l’or. Il a toujours adoré faire rire les gens et ceux-ci lui rendaient bien. Il a toujours eu un public et ma sœur et moi étions sans nul aucun doute ses plus grands fans. Puis, soudain nous avons entendu un crissement de pneus. Ce n’était pas bien grave, je me disais que ce n’était que des jeunes qui se faisaient une course de voitures, alors nous avons continué notre route comme rien n'était continuant à rire. C’est là que je me suis rendu compte qu’on aurait sans doute dû demander à notre chauffeur de nous reconduire, comme c’était prévus. Je riais de plus belle à la blague que Joël venait de me raconter, qui cette fois, n’était pas si drôle que ça, soit dit en passant. Soudainement, sans que je ne m’en rende compte, un coup de feu résonna dans le calme de la nuit et trois secondes plus tard, un cri de terreur franchi d’entre mes lèvres, suivi d’un cri de douleur qui ne m’appartenait pas. Mon frère s’écroula sur le sol. Quelqu’un venait de lui tirer dessus. Cela me prit quelques secondes avant de comprendre ce qui venait de se passer et que mon frère était en train d’agoniser dans mes bras. Qui était l’auteur de ce geste ignoble? J’ai commencé à crier à l’aide à qui voulait bien l’entendre, tout en pesant le plus fort possible sur sa plaie. « Prend soin de notre sœur. » Ce fut les derniers mots qu’il a prononcés avant de rendre son dernier souffle et de commencer son repos éternel.
FIN DU FLASHBACK« Viens Dax » Je ne bougeais pas, regardant toujours les hommes, tout de noir vêtu, enfouir sous terre le cercueil de mon frère. Il a fallu que ce soit mon père qui me prenne dans ses bras pour me faire bouger. Il faut tout de même prendre conscience que je venais de personne une des personnes les plus importantes dans ma vie. Cette personne avec qui je faisais toutes mes conneries, avec qui je taquinais ma sœur. C’est à ce moment-là, que je me suis dit que j’allais protéger les membres de ma famille coûte que coûte.
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Je ne supportais plus d’être dans cette ville qui me faisait beaucoup trop penser à mon défunt frère. Je n’en pouvais plus de passer devant l’endroit où il avait été tué. Alors, après maintes discussions avec mes parents et ma sœur, nous avons décidé que je pouvais aller m'installer à Wellington. Endroit où ma mère est née. Endroit ou elle a vécue un bon nombre d'années avant de connaître mon père. Et l'endroit où avait fait ses études. C'est cette ville qui allait pouvoir me donner la chance de recommencer ma vie comme je l’entends et l'université Victoria de Wellington m’accueillir parmi leurs élèves. Depuis la mort de mon frère, je me suis mis à l’activité physique. Je me dépense sans compter pour essayer, sans grand résultat, à faire mon deuil. À me convaincre que je n’avais rien à avoir dans ce meurtre. Tous les sports extrêmes ou presque y sont passés, mais rien ne m’enlevait l’image de mon frère, le soir du drame, agonissant dans mes bras. Pour moi, tout était de ma faute. Si je n’avais pas pris autant de temps dans la salle de bains, nous serions encore là à rire comme deux imbéciles et s’amuser comme nous en avions l’habitude. Je n’allais vraiment pas bien, mais ne le montrais pas pour autant, gardant l’image de la personne au-dessus de ses affaires. Seule ma sœur était capable de déchiffrer mon état d’esprit. Elle était devenue ce que j’avais de plus cher, au monde. Je n’aime pas parler de ma vie personnelle, et si une personne finie par me poser des questions sur celle-ci, je ne sais jamais comment réagir. Quelquefois, je bloque complètement, d'autres je pars comme si je n’avais simplement pas entendu ou encore j’entre dans une colère inexpliquée. J’aime avoir le contrôle dans ma vie et dans ce temps-là, c’est loin d’être le cas.
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Pendant ma première année d’Université, je me suis presque fait un ennemi, Sebastian. Enfin, ce n’est pas vraiment ce qu’on peut qualifier d’ennemi, étant donné que nous ne nous donnions même pas la peine de nous adresser réellement la parole. Disons que lorsqu’on se parlait, les mots fusaient de tous bords, tout côté. Sebastian me traitait littéralement comme de la merde, mais je ne me laissais pas faire pour autant. Les piques se faisaient entendre, tout ça parce que j’étais un peu trop proche de sa sœur qu’il ne le voudrait. Je le cherchais, m’amusais à ses dépens et lui, m’envoyait toujours et encore plus sur les roses avec ces piques. Il faut dire que ça ne fonctionnait pas du tout avec moi. Je ne m’attendais pas non plus à ce que je tombe sous le charme de sa sœur et que nous finissons par nous marier deux ans plus tard et que je devrai faire en sorte de bien m’entendre avec lui, sous les demandes de ma désormais, femme.
Les années ont passé, tout allait bien entre nous. En fait, pas tout à fait, pour dire vrai. Elle voulait que l’on prépare notre avenir, elle commençait à me parler de bébé, de fonder une famille, mais j’ai toujours essayé de repousser le moment le plus possible. Je suis devenu à me demander si je l’aimais réellement parce que si c’était le cas, je n’aurais pas couché avec une inconnue, le jour où ma mère m'a annoncé son cancer du sein. Le jour où je suis le plus vulnérable. Ce jour où elle a toujours promis d’être là pour moi. Si je l’aimais vraiment, je n’aurais pas tendance à regarder, voire fantasmer sur d’autres femmes. Non, je ne serais pas l’homme ignoble que je suis devenu. Mais notre union nous a fait promettre : jusqu’à ce que la mort nous sépare.